La citadelle de Doullens est un lieu qui ne cesse de me fasciner. À chaque visite, elle dévoile une nouvelle facette de son histoire, tantôt militaire, tantôt carcérale, toujours marquée par les pas et les souffrances de celles et ceux qui l'ont traversée. Lors de notre dernier passage, nous avons choisi de plonger directement au cœur de l'un de ses espaces les plus chargés en émotions: le mitard, ancienne prison et école de préservation pour jeunes filles.
Ce lieu, où l'air semble encore lourd des silences d'antan, accueille aujourd'hui l'exposition "Transgression", une rencontre bouleversante entre mémoire, art et douleur.

Le mitard, une prison d'un autre temps
Avant de devenir un lieu d'art, le mitard fut un espace d'isolement pour les prisonnières les plus "tenaces". Dans les années 1950, ces cellules sombres et oppressantes accueillaient des femmes jugées déviantes par la société: délinquantes, prostituées ou simplement celles qui osaient sortir du cadre.


L'atmosphère est encore palpable. On imagine ces cours de promenade privatives, étroites, construites pour maintenir l'isolement, où la lumière du jour se faisait rare. Ce qui frappe, ce n'est pas seulement la dureté de l'enfermement, mais surtout l'injustice d'une époque où être femme signifiait parfois vivre sous le poids du jugement moral et du patriarcat.
Albertine Sarrazin, une voix qui résonne encore
Parmi celles qui ont connu ces murs, une figure se distingue: Albertine Sarrazin, matricule 504, devenue plus tard écrivaine. Son roman L'astragale raconte sa cavale après une évasion de la citadelle, une fuite aussi tragique que romanesque.


Ses écrits, empreints de désenchantement et de révolte, sont aujourd'hui un témoignage précieux sur la condition des femmes dans la seconde moitié du 20ème siècle. L'écho de sa voix semble hanter le mitard, comme si elle parlait encore pour toutes celles qu'on voulait faire taire.
Transgression: quand l'art dialogue avec l'histoire
L'exposition "Transgression", réalisée par le collectif CURB, vient offrir une nouvelle lecture de ce lieu marqué par la douleur. Graffitis, collages, fresques urbaines s'emparent des murs et des cours, transformant les cicatrices du passé en créations vibrantes.


Les artistes, parfois eux-mêmes héritiers d'un art jugé marginal, ont investi les cellules et les courettes pour donner une voix aux oubliées de Doullens. Chaque œuvre est un cri visuel, un hommage sensible qui résonne avec la mémoire des prisonnières.


Les mots de Charles Louis, poétiques et incisifs, accompagnent cette immersion et prolongent l'émotion. Entre peintures et textes, le visiteur est saisi par un mélange d'oppression et de beauté, un rappel brutal mais nécessaire de ce que fut la condition féminine dans les années 50.
Une visite qui bouleverse
Lorsque l'on franchit les portes du mitard, on ressent immédiatement ce poids, presque étouffant. Les murs semblent encore porter les souffrances de celles qui y ont été enfermées. L'art urbain ne cherche pas à les effacer, mais à les révéler, à les faire résonner dans notre présent.


J'avoue avoir ressenti un malaise, comme un écho intime. Car si j'avais vécu dans les années 50, j'aurais sans doute été, moi aussi, cataloguée parmi ces "femmes déviantes". C'est une pensée qui glace et qui rend la visite d'autant plus immersive et bouleversante.

On ne ressort pas indemne du mitard. On en ressort avec un regard neuf, une empathie accrue et la conscience aigüe d'une époque marquée par l'injustice.
Le mitard de la citadelle de Doullens n'est pas un lieu comme les autres. Il est le témoin d'une époque où l'on enfermait celles qui ne rentraient pas dans le moule. Grâce à l'exposition "Transgression", ce lieu retrouve aujourd'hui une voix, un souffle, une mémoire qui ne demande qu'à être entendue.
Si tu souhaites prolonger cette découverte, je t'invite à explorer mes précédents articles consacrés à la citadelle de Doullens, entre plongée dans ses récits militaires et visite complète. Chaque visite est une nouvelle histoire, chaque recoin recèle une part de vérité.
Et toi, serais-tu prêt(e) à franchir les portes du mitard pour ressentir cette atmosphère unique, entre art et mémoire?
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