Huit ans que nos pas ont glissé presque par accident sur les pavés de Doullens.
À l'époque, je ne connaissais même pas cette ville, malgré mes racines picardes. Elle ne faisait pas partie de mon paysage mental.
À croire que cette petite ville, posée entre Somme et Pas-de-Calais, restait volontairement en marge, presque secrète.
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Nous y avons posé nos cartons, juste avant la fête foraine que tout le monde appelle ici "la Ducasse". Un mot qui fait sourire la première fois, un mot qui ne sonne pas tout à fait picard, un mot qui sent le Nord-Pas-de-Calais tout proche. Là, j'ai compris que nous entrions dans une réalité culturelle un peu différente, attachante, et finalement très accueillante.
Doullens n'était pas un choix réfléchi. C'était un point de chute, un concours de circonstances. Pourtant ce hasard a rapidement pris des allures d'évidence. On dit souvent que le hasard fait bien les choses. Je crois que cette fois, il avait vraiment le sens du timing.
Au fil des années, j'ai appris à lire cette ville, à la comprendre.
Son histoire s'accroche aux façades, se faufile dans les ruelles, s'attarde sur les bâtiments marqués par le temps. Et les façades de briques racontent mieux que des livres.
Doullens se raconte sans cesse, et je me surprends encore aujourd'hui à découvrir un détail que je n'avais jamais remarqué.
J'ai appris à écouter ce que cette petite ville voulait bien me confier dans ce parler local, mélange de Picardie et de Nord-Pas-de-Calais, qui continue parfois à me dérouter et me charmer à la fois.

Sa citadelle est devenue mon repère, ce lieu a quelque chose de magnétique. Ses remparts masquent encore des secrets que j'aimerais percer un jour, et même lors de visites répétées, j'ai l'impression que tout n'a pas encore été dévoilé. On ne s'habitue jamais vraiment à un site pareil.
Le musée Lombart, lui, offre une échappée plus douce. Les pas s'y font légers. Il y a dans ce musée quelque chose de presque hors du temps, qui invite à la rêverie sans chercher à impressionner. J'y ai retrouvé ce plaisir simple d'errer devant des œuvres, sans obligation d'analyse, juste pour le plaisir d'être là.

J'aime aussi me glisser dans la bibliothèque, installée dans l'ancien hôpital. Un bâtiment qui respire encore une autre époque. On y va pour emprunter un livre, puis on finit par laisser le regard courir sur la façade de briques rouges. C'est un lieu où l'on peut se poser sans se presser.

Doullens, c'est aussi le plaisir des balades du quotidien. Déambuler en ville, lever le nez sur un détail de façade en briques, redécouvrir le beffroi qui veille sur la ville, suivre une rue au hasard et tomber sur un coin plein de charme. Rien de spectaculaire, mais tout est sincère.
La ville porte aussi une mémoire lourde. Doullens a été le théâtre du commandement unique pendant la Grande Guerre. Cette salle, encore visible aujourd'hui, rappelle un moment clé de notre passé et je me demande souvent pourquoi cette page d'histoire n'occupe pas plus de place dans nos manuels. Peut-être parce que Doullens ne fait pas de bruit.

Au fil des saisons, l'Authie et la Grouche offrent un cadre apaisant. J'ai appris à aimer leurs humeurs. L'eau tranquille en été, la lumière dorée de l'automne, les matinées humides qui donnent à la ville une allure presque mystérieuse. Ce sont des promenades simples, mais elles rythment mes années ici.
Doullens, c'est aussi une manière d'être ensemble. Le carnaval a été pour nous un vrai moment d'intégration. Cette tradition locale, haute en couleurs, nous a permis de nous sentir enfin membres d'une communauté. L'ambiance y est bienveillante, les sourires sont francs, et l'on se dit que oui, cette ville sait rassembler.
Doullens n'a rien d'une petite ville perdue. Elle demande juste que l'on prenne le temps de la regarder. Elle se mérite un peu, comme toutes les pépites discrètes.
Chaque année, la Ducasse remet en lumière notre arrivée ici. Elle sonne comme un rappel, une petite madeleine colorée et bruyante qui marque le début de notre vie doullennaise. Elle fait partie du décor maintenant, tout comme la ville est devenue un morceau de nous.
Huit ans plus tard, Doullens n'est plus un hasard. C'est un attachement. Une ville coup de cœur. Une histoire en construction, encore et toujours.
Ceux qui ne font que passer n'en voient qu'une partie. Ceux qui s'y attardent découvrent une ville pleine de trésors, d'histoire, de douceur et de vie.
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